Sophie veille dans un orphelinat et se fait enlever par un géant qui l’emmène dans son pays fantastique peuplé d’hommes gigantesques. Sophie va se prendre d’affection pour ce géant et va l’aider à se débarrasser des autres géants qui pourrissent la vie de notre Bon Gros Géant, autrement dit : BGG…
BGG est le 30ème film de Steven Spielberg. Le tournage a débuté le 23 Mars 2015 et se termine le 12 Juin 2015. Il sort en Juillet 2016 avec pour budget de 140 000 000 $ ce qui est le deuxième plus gros budget de Spielberg (le 1er étant Indiana Jones 4 avec un budget de 185 000 000 $) est a récupéré à travers le monde 147 500 00 $ ce qui fait un taux de rentabilité faible (5% de bénéfice) à titre d’exemple le précédent film de Spielberg, le Pont des Espions avait coûté 40 000 000 et avait rapporté 165 000 000 soit 412% de bénéfice ! Et si l’on fait une moyenne sur les 30 films de Spielberg on s’aperçoit que le taux de rentabilité moyen est de 561%… On peut donc considéré BGG comme un échec commercial.
10 Films notables sortis la même année : The Revenant, Warcraft – le commencement, Le Livre de la Jungle, SOS fantômes 3, Alice au pays des merveilles 2, le Monde de Dory, Independence Day 2, Camping 3, Nice Guys, Batman Vs Superman
C’est parti pour le test.
Histoire
13 / 20
Spielberg signe donc ici un film peu rentable mais si on voulait enfoncer le clou on peut même dire qu’il signe, à ce jour, le film le moins rentable de sa carrière. Ce qui en fait un échec commercial aux vues de ce que Spielberg est capable de faire.
Évidemment des échecs commerciaux de ce type beaucoup de réalisateurs aimeraient les avoirs, surtout en France où depuis des années les films sont faits à perte.
Ici BGG rapporte de l’argent mais nul doute que Spielberg, habitué à avoir le public se précipiter sur ses films en masse, a dût tiquer au moment de la révélation des résultats.
C’est pour ça qu’il est intéressant de se poser la question de savoir ce que ce film à en moins (ou en plus) qui n’a pas permis au miracle des salles largement pleines de s’accomplir. Est ce justifié ? Le film a-t-il raté sa cible ? Est ce un bon Spielberg ? Ou est ce purement le fruit du hasard ?
Tout ce qu’on peut dire par rapport au pitch, c’est qu’il est peu commun : un géant qui enlève une gamine dans un orphelinat, c’est pas tous les jours que l’on voit ça.
Après si l’on regarde de plus près, on est jamais loin d’un King Kong : une créature monstrueuse (mâle) enlève une charmante personne (femme).
On a la même chose avec la Belle et la Bête. C’est pareil. Et du coup on peut anticiper les temps forts : la gamine va se rendre compte que sous ce corps de monstre il y a un cœur qui palpite et qu’il est fort sympathique malgré ce que pense la populace locale qui veut le tuer (ou du moins le malmener).
On peut imaginer également qu’à la différence de ces ancêtres, il n’y aura pas de sous texte sexuel. Ce qui ne serait pas à propos, pas seulement pour une question de différence de taille (cf king kong) mais surtout pour une question d’âge, le géant est un vieux et Sophie est une gamine.
Alors exit le sous texte sexuel, mais alors qu’y a-t-il en plus qu’un film comme la Belle et la Bête par exemple ? L’univers.
Dans la Belle et la Bête nous avons le personnage de la Bête et son château, le reste est encré dans le réel, ici, le géant se trouve dans une zone plus vaste (pas trop non plus) magique, le cadre est plus enchanteur. Du moins, c’est ce que laisse suggérer le pitch.
C’est déjà ça qui peut faire la différence au près du public.
Le film se reposant en premier lieu sur un rapport de filiation (petite fille-grand père) on est dans le cadre du conte pour enfant que le papi va raconter au coin du feu. La Belle et la Bête a ce rapport là bien évidemment (il s’adresse donc aussi aux enfants) mais possède un sous texte sexuel en plus qui permet de s’adresser aux adolescents et aux adultes. Et ce n’est pas parce que c’est Disney qui l’a produit qu’il n’y en a pas parce que Disney a produit la Belle et la Bête déjà, mais aussi Tarzan, et le fond est le même : une jeune femme tombe amoureuse d’un homme-bête.
Donc sur le papier, si vous n’êtes pas un enfant et si vous n’adhérez pas à l’univers vous pouvez vous dire que le film n’est pas fait pour vous. Attendons de voir si ces inquiétudes sont justifiées.
Un pitch qui vend de l’enchantement sur des bases de récit qui ont faites leur preuve. Reste qu’il y a, en plus-value, un univers, là où, dans les autres œuvres, nous avons un sous texte sexuel, ce n’est pas la même puissance et ce n’est surtout pas le même public qui est visé.
Scénario
8 / 20
Donc un scénario pour enfant ? Voyons ça de plus près.
Le film commence dans un univers au visuel très riche, nous aurons l’occasion d’en reparler. On est dans un orphelinat et une petite fille est éveillée là où tout le monde dort. Une voix off, que l’on ne retrouvera qu’à la fin, nous invite à une forme de narration. Elle évoque le fait qu’à une certaine heure, la créature arrive à l’insu de la plupart des gens.
Pas de doute on est bien dans un conte.
Le géant arrive saisit la petite Sophie et l’entraine passant d’une cache à une autre. Notons au passage que sur le papier on frôle le ridicule, un géant qui parvient à passer d’une cache à une autre au beau milieu de la rue, on n’y croit pas une seconde et pourtant Spielberg réussit à nous y faire croire. Nous y reparlerons.
BGG (car tel est le prénom du Géant) se faufile de rue en rue pour foncer jusqu’au pays des Géants. Alors « pays des géants », entendons nous bien, c’est un village. Il faut pas s’enflammer. Ils ont proclamer cette zone le pays des Géants, mais non seulement il n’y a que 10 Géants, ça prend de la place oui, mais pas autant qu’un pays. (Vatican y compris)
Sophie une fois chez BGG prend peur mais ce rend très vite compte qu’il ne souhaite pas la manger mais juste avoir de la compagnie (à vie tout de même). On est dans un conte. Et Sophie se plait avec lui.
Effectivement on est dans un conte… pour enfant. A ce stade il est possible que l’on puisse mettre un recul avec le récit.
En effet il faut accepter qu’un Géant puisse enlever Sophie et qu’en moins de 10minutes, elle l’adopte. Si on le compare avec la Belle et la Bête, on arrive à ce stade qu’après bien trois quart d’heure de film. Ici c’est 10 min.
On comprend que BGG est un chasseur de rêve et qu’il les collectionne. C’est aussi une sorte d’alchimiste du rêve, il est capable, à l’instar d’un parfumeur de composer un rêve sur mesure, ce qui est très important pour la suite du film.
BGG va d’ailleurs composer un petit cauchemar qu’il va injecter à Sophie afin de la dissuader de partir.
- Alors premièrement, il y a d’autre moyen, plus simple, de la dissuader de partir, comme l’enfermer par exemple.
- Deuxièmement il est pas si cool que ça le BGG, il fait le gentil mais en sournois il injecte une substance hallucinogène pour « domestiquer » Sophie. Pourquoi pas, si c’est un méchant Géant ? On se rendra vite compte qu’en fait c’est surtout un lâche et qu’il préfère une sournoiserie qu’un conflit frontal. Ce qui est pour le coup intéressant d’un point de vue de la présentation du personnage mais on se rendra également compte que le scénariste scie la branche sur laquelle il est assis.
- Troisièmement Sophie grille le plan de BGG à des kilomètres, c’est dire que la stratégie du Géant est naze, à moins que ce ne soit Sophie qui est surdouée. Et c’est sur ce point que le scénariste va appuyer sa thèse.
BGG qui a décidé de garder à vie Sophie (qui l’accepte de bonne grâce donc) reçoit la visite du chef des méchants Géants. Ce Géant, à la différence de notre BGG, est très grand, beaucoup plus de grand que lui. En réalité on comprend surtout que BGG est particulièrement petit pour un Géant. On comprend aussi que ces méchants Géants se régalent d’homme. Or il y a Sophie, et le Méchant la sent (il a, certes, le nez fin, mais une fois de plus, c’est un poncif du genre dans les contes.) BGG noie le poisson et parvient à se débarrasser de ce Géant. On comprend, à la suite de cette visite, que les Géants (les méchants surtout) craignent l’eau.
BGG décide de partir à la chasse aux rêves, Sophie vient avec lui. Dehors tous les géants du Pays des Géants sont là, en train de dormir à la sortie de la maison de BGG (je vous ai dis que le Pays des Géants est petit). BGG doit user de discrétion pour passer parmi eux sans les réveiller. Malheureusement le subterfuge grippe et il est découvert, Sophie a juste le temps de rentrer dans une carcasse de voiture (?!). Les Géants ne se rendent pas compte de la présence de Sophie, et ils décident d’humilier BGG. Ce dernier se fait malmener par ses camarades de jeu, heureusement il se met à pleuvoir et les Méchants, craignant l’eau fuient, sont contraint de laisser BGG.
Mais alors qu’il s’éloigne (avec Sophie) du groupe de Géants, le Chef découvre une couverture que Sophie a utilisé et qui porte son odeur (même sous la pluie et après avoir était retrouvé collé sous le pied d’un géant qui depuis des millions d’année ne s’est pas lavé parce qu’il craint l’eau, ils ont décidément le nez très fin… ou pas)
Sophie sermonne BGG en lui disant qu’il ne faut pas qu’il se laisse faire par 10 autres Géants plus grands que lui (?!). BGG écoute d’une (grande) oreille.
Ils arrivent au pays des rêves ils y font une chasse de rêve, Sophie en attrape plusieurs. BGG lui fait remarquer que les rouge sont des cauchemars et en discrètement il en choppe un jaune qui sera le rêve de Sophie.
Une fois de retour, BGG réalise que Sophie a perdu sa couverture, il en déduit donc que les Géants vont être à ses trousses, il la reconduit donc à l’orphelinat.
Sophie qui se réveille à l’orphelinat n’est pas contente, elle se plaisait bien au (presque) pays des Géants. Elle décide alors d’appeler BGG qui ne semble pas répondre, elle décide alors de se jeter du haut de l’orphelinat pour voir s’il est là ou pas. (elle recule devant rien et j’imagine la réaction des parents qui ont montré le film à leur enfant qui eux aussi aimeraient voir si BGG va les sauver d’une mort certaine en sautant par la fenêtre du cinquième étage…)
Heureusement pour la suite de l’histoire, BGG récupère in extremis la petite. On comprend alors que BGG a de grandes oreilles pas simplement pour la forme mais aussi parce qu’il entend tout sur la planète à tout instant (ce qui, à la longue, doit être pesant).
Sophie retourne donc avec BGG chez lui. Là les Méchants arrivent, ils cherchent, en cassant tout sur leur passage, l’humaine chez BGG. Sophie étant maline et les Méchants Géants stupides (et affamés, ils veulent se partager la petite à 10… ) ils se font expulser par BGG qui prend sa barrique d’eau à deux mains et leur balance le contenu sur eux pour les faire fuir (pourquoi ne se balade-t-il pas toujours avec une gourde d’eau sur lui ?)
Sophie dit que les choses ont trop duré, et décide de trouver un plan pour se débarrasser des Géants.
L’on pense alors qu’ils vont créer des bombes à eau et les expulser de l’île (pays des géants) ou créer un cauchemar où les Géants auront peur de BGG. Mais non, elle a un plan plus simple.
Beaucoup plus simple, et d’une évidence telle qu’on se demande pourquoi on y a pas pensé avant :
Donnez un cauchemar à la reine d’Angleterre dans lequel des enfants se font dévorer par des méchants Géants, puis faire intervenir dans le rêve Sophie et BGG en mode sauveur. Là, la reine se réveille, Sophie se présente à elle, l’a convainc de l’existence de Géants, qu’il y en a un bon et des méchants et qu’il faut se débarrasser des Méchants parce qu’ils font disparaitre des enfants et qu’il faut pour cela envoyer l’armée…
Simple.
Ce plan délirant sera effectivement appliqué à la lettre.
La reine sans trop se poser de question va accepter le fait qu’elle vient d’avoir un cauchemar et qu’elle ait fasse à elle une petite fille qui a, non seulement, la connaissance de son cauchemar (ce qui n’est pas banal) mais en plus qu’elle lui annonce l’existence de Géant.
Il faut une bonne dose de crédulité pour ne pas décrocher de l’histoire à ce stade.
D’autant que BGG est accueilli en grande pompe dans le palais, il y mange comme un roi et file même la pétomanie à l’ensemble des sujets de sa majesté, y compris elle même !
La joyeuse troupe : BGG, Sophie et l’armée de sa majesté foncent aux pays des Géants. BGG, pour donner un peu de corps à l’ensemble, décide de créer un cauchemar pour que les Géants aient peur de l’armée.
Mais, comme dit plus haut, le scénariste a scié la branche sur laquelle il est assis.
Il nous annonce dans un premier temps que le passe-temps de BGG est de fabriquer des rêves ou cauchemars sur mesure. Il avait fabriqué un cauchemar pour Sophie. Celle ci lui annonce qu’il pourrait en faire pour les méchants géants…
Pourquoi n’y a t il pas pensé avant ?
- On pourrait se dire que c’est parce qu’il est trop bon (trop con) mais en réalité, il y a pensé pour Sophie.
- On peut alors ce dire que c’est parce que c’est un lâche et qu’il faut que son arc de personnage soit entièrement parcouru pour qu’il puisse l’utiliser contre ses collègues Géants ? Mais en fait :
- D’une c’est un procédé de lâche, il n’y a pas de confrontation frontale.
- De deux : c’est Sophie qui fait tout. Donc c’est bien un procédé de lâche auquel il aurait dû penser d’autant que le scénariste précise que BGG existe depuis que la Terre est Terre…. Autant dire qu’il avait le temps d’y penser.
Les Géants se font donc expulser manu militari du pays des géants (qui devient de fait « le pays du géant ») et sont posés sur une île encore plus petite que la précédente (autant dire minuscule) et l’armée (sympa) leur donne des légumes (que les Géants détestent) pour survivre.
Sophie est satisfaite d’avoir aider BGG, ce dernier lui révèle son rêve qu’elle aura plus tard et la ramène à l’orphelinat mais heureusement ils restent en communication via les oreilles paraboliques de BGG.
Fin de l’histoire.
On peut se dire plusieurs choses au vue de cette narration :
- c’est effectivement pour les enfants. Un adolescent passera très rapidement son chemin et un adulte pourra tenir s’il a encore une âme d’enfant. Mais qui a, un tant soit peu, de sens critique, sera régulièrement expulsé du récit, malgré toute la bonne volonté du monde. Reste que le film n’est pas débile, c’est une histoire inventive, les personnages sont haut en couleur et ravira les enfants. Car ce film en prend la logique, les raisonnements que se font les personnages et les chemins de traverse qu’ils prennent pour avancer dans l’histoire c’est ceux qu’un enfant pourrait avoir et en ça parfois ces raisonnements tordus qui n’ont parfois pas de sens, font penser à ceux qu’un enfant pourrait avoir.
- il n’y a quasi aucune progression chez les personnages. Sophie est courageuse et maline au début du film. Elle finit le film courageuse et téméraire. Elle ne comble aucun manque.
- BGG est lâche et faible mais malin à la fin il reste lâche (il n’y a pas d’acte de bravoure qu’il effectue face aux Méchants Géants) faible et malin… quoi qu’au vue du plan miteux qui a été mis en place, on peut être en droit d’en douter.
- Il manque des scènes touchantes, c’est pourtant un classique de ce genre de films familiaux dont il se revendique. Il y a toujours une scène de mort apparente. Ici elle est trop faible, c’est la scène de séparation. (ce qui reprend le schéma des films romantiques) mais ils se remettent trop vite ensemble et le sacrifice qu’est prête à faire Sophie est, certes fort (elle est prête à se suicider), mais pas crédible, on se doute bien qu’elle ira pas au bout.
Et le fait qu’il n’y ait pas de scène de deuil est une erreur terrible pour un film de ce genre.
La plupart des grands modèles dont BGG se veut l’héritier, c’est l’occasion de dresser le passage de l’enfance à l’âge adulte. C’est le cas de Peter Pan ou de E.T.
Dans ET l’extraterrestre part de la Terre laissant Eliott seul. Mais ET avant de partir pointe le coeur d’Eliott et lui dit : « je serai toujours là. »
Fort. Puissant.
On comprend, on ressent qu’Eliott (et nous pars la même occasion) nous grandissons mais garderons toujours notre enfance dans notre cœur, c’est un adieu qui n’en est pas réellement un. (mélanco-maniaque)
Ici il y a un adieu, sans souffrance, donc sans enjeu, et le Géant dit : « j’aurai toujours une oreille attentive pour toi. »
C’est joli, c’est sympathique, mais ce n’est pas fort.
Et pour moi c’est ce qui a diminué ce film.
Il a des atouts non négligeables (nous les verrons plus bas) mais le scénario n’a pas su se munir d’une vraie belle scène de fin qui crée du sens et de la profondeur.
Ici on a juste l’impression d’avoir vécu un délire d’une enfant, une sorte d’anecdote sans saveur, en ça le film fait penser à Alice aux Pays des Merveilles.
Ni queue ni tête avec un fil rouge néanmoins, et quelques scènes visuellement inspirées et une des pires résolutions possibles : tout ceci n’était qu’un rêve. En gros tout ce que vous avez vu « compte pour du beurre ».
Pour ce qui est du rythme, le scénariste s’y est, pour le coup, bien pris.
Le film ne souffre pas de longueur et les scènes qui pourraient nous rebuter sont fort heureusement courtes ou suffisamment courte pour qu’on est pas le temps de s’ennuyer.
Des personnages sympathiques qui n’ont malheureusement aucune progression, une histoire difficile à avaler pour qui a un sens critique, heureusement les enfants, bien souvent, n’en ont pas encore, et ça tombe bien parce que le film leur est essentiellement destiné. Un bon point le film est assez rythmé, ce qui remonte le niveau de l’ensemble.
Lumière
18 / 20
Gros travail. La lumière est féérique à souhait.
Les environnements sont facilement distinguables et toujours très visuelles, avec peut être un bémol sur le palais de la reine, pas assez inspiré. Joli, mais pas du niveau de l’ensemble. On est de l’ordre du détail on est d’accord, car en réalité tout fonctionne à merveille.
L’orphelinat est superbe, l’apparition de la main du Géant est magique, à la fois terrifiante et sublime. C’est du grand art. Le jeu du lumière pour parvenir à faire se cacher notre BGG dans les rues est remarquable.
L’éclairage de la maison de BGG et la matérialisation lumineuse des rêves sont de toute beauté, idem pour le pays des géants et le monde des rêves, c’est féérique.
Pas de doute on est dans un conte et Janusz Kaminski nous y convie par la grande porte.
Direction comédien
14 / 20
Il y a surtout deux comédiens dans ce film, les autres sont tellement secondaires qu’il est inutile de s’y attarder. Il y a donc le BGG et Sophie.
Commençons par Sophie interprétée par Ruby Barnhill. Elle fait le job, sans plus. On aurait aimé qu’il y ait ce plus, mais il ne sera pas au rendez vous. Lorsqu’il y a des enfants dans un film, c’est quitte ou double. Soit il cabotine à mort (Daniel Radcliff dans Harry Potter par exemple) soit il est excellent et transcende ce qu’on pourrait attendre d’un comédien (Haley Joel Osmet dans Sixième Sens, ou IA de Spielberg) Ici on est plus proche du cabotinage. Mais comme on est dans une comédie et que c’est un personnage qui n’est pas réel (elle tient tête à un Géant sans sourciller) On l’accepte.
BGG maintenant, interprété par Mark Rylance. Là c’est du bon. Il est extrêmement expressif et prend à bras le corps le personnage. Rylance nous livre une interprétation sensible et attachante. C’est du bon boulot et le duo fonctionne bien.
Un bon duo est un Géant attachant bien rendu par l’interprétation généreuse de Mark Rylance.
Mise en Scène
18 / 20
J’avais fait une croix sur lui, voilà plusieurs années où Spielberg ne me faisait plus rêver. Il m’avait même tuer un vieux rêve qui était celui de voir une suite à Indiana Jones. Quelle déception ! Le crane de cristal était plus qu’un ratage, c’était un crime. Rien à sauver, et surtout pas l’espoir que j’avais mis dedans.
Après, un bip, un sursaut : Tintin. La mise en scène m’avait fait mal, grande maîtrise, du grand Spielberg. Mais voilà c’était un film d’animation, le challenge n’est pas le même.
Après j’avais vu Cheval de Guerre, qui était cool mais on est loin de son meilleur et le Pont des Espions qui fait parti de ces films anecdote (comme le Terminal) qu’on voit et qu’on oublie aussi sec.
C’est dans ce contexte que sans motivation particulière (et même une certaine appréhension) je regarde BGG.
Et quelle claque ! Une prouesse.
Le film, nous l’avons vu est doté d’un des pires scénario que Spielberg est jamais eu en main (à l’exception d’Indy 4 bien sûr) et tout passe ! Tout !
Spielberg nous fait croire à l’incroyable. C’est un magicien, c’est un grand, c’est encore un grand.
En trois cadres, il nous campe l’univers du récit, on croit immédiatement à cet univers, bien qu’artificiel (nous y reviendrons) on veut y croire. Déjà les cadres sont magnifiques, et il y a des idées de mises en scène à la pelle.
Spielberg s’amuse avec le décor pour y dissimuler l’improbable géant de 7m. Tout fonctionne. Aidez bien sûr par les talents du chef op, mais ne le négligeons pas, l’intelligence, l’espièglerie de Spielberg. Brillante présentation du Géant parfaitement morcelée de scène en scène pour apparaître finalement le moment opportun.
L’arrivée dans la maison de Sophie dans l’entre de BGG est parfaitement maîtrisé, on tombe rapidement sous le charme de ce Géant maladroit au grand cœur. L’utilisation parfaite du bateau de pirate, que ce soit le sommet du mât dans le rêve, ainsi que l’utilisation de la voile, tout sert, rien n’est gratuit.
Le cauchemar est également très bien gérer, on est dans l’irréel d’un univers fantastique, pas simple, il y arrive.
Très bonne utilisation du plan séquence dans le passage du monde des Géants au monde des rêves ou lors de la traque des Géants de Sophie.
Autant de passage qui n’avait sur le papier très peu d’intérêt ou qui on était vu et revue mais ici sous la caméra de Spielberg tout prend une autre ampleur.
Une scène qui peut vite devenir catastrophique : la séquence de gaz. Spielberg trouve le bon angle d’attaque, pour que tout marche sans partir dans la grosse blague frontale. Il y a toujours une idée, pour magnifier. Pour la reine, l’utilisation d’un amplificateur qu’est la nappe. Amplificateur qu’il utilise à merveille tout au long du film, notamment la course du Géant avec les peupliers.
Il y a même le luxe du clin d’œil à Jurassic Park, on voit parmi les rêves un dinosaure poursuivre une voiture et le final des géants déposés sur île ressemblant particulièrement à celle de Jurassic.
Spielberg est de retour et il montre, à qui l’avait oublié, qui c’est le patron. Spielberg est, parmi les réalisateurs, le plus grand conteur qu’il nous ait été donné de voir.
Son
16 / 20
La musique de John Williams est toujours aussi indisociable de la mise en scène de Spielberg et le duo fonctionne toujours à merveille. On pourrait regretter qu’il n’y ait pas un thème plus accrocheur, cependant on reste sur du haut niveau ce qui contribue à ce que le charme opère.
Le sound design est d’un grand niveau, on se représente l’ensemble des sons proposés même ceux entièrement créer comme le son des rêves. Tout respire le réel alors que la plupart des sons sont entièrement créés, c’est du très bon.
Une nouvelle fois tout sonne juste et l’ensemble nous transporte dans le monde des Géants sans fausse note.
Direction artistique
12 / 20
Il y a du très bon qui côtoie le moins bon. Voyons d’abord ce qui est réussi.
C’est la grande majorité du film, tout est élégant et l’ensemble s’accorde à merveille avec le film et le propos du film. Le dortoir de l’orphelinat à des résonances au dortoir d’Harry Potter et nous propulse dans un monde de magie immédiatement, les rues sont parfaitement rendus. L’intérieur de la maison du Géant est splendide et chaque élément se répond entre eux. L’utilisation du bateau de pirate est d’ailleurs intéressante, parce qu’il véhicule à la fois les films d’aventure mais aussi Peter Pan (qui est sans nul doute une des références du film).
Maintenant les éléments qui sont plus discutable :
Le Titre
BGG ou BFG en anglais, peut on trouver un titre plus mal choisi ? On pense à tout sauf à un conte pour enfant. Le problème vient qu’on ne donne pas d’abréviation à des personnages mythologiques, c’est plutôt une tendance moderne. Quand Spielberg fait un personnage qui s’appelle ET pour Extra Terrestre, on est dans de la science fiction et non dans le merveilleux (qui est un tout autre genre) et la science fiction abonde dans le jargon et autre abréviation (Cf Star Trek) mais le merveilleux, il n’y en a pas et il y a peu de chance qu’il n’y en ait jamais. Et en choisissant BGG pour Bon Gros Geant, il font une grosse erreur, car les parents à qui est destiné ce film passe devant se titre sans que ça ne leur évoque rien, Bon Gros Géant écrit en toute lettre, avec l’abréviation entre parenthèse aurait pu largement mieux fonctionner parce qu’on voit ou va le film. Quand j’ai vu le titre au départ j’ai pensé à KFC, ce qui ne vent pas du rêve et quand j’ai vu l’affiche avec un Géant je me suis dit il utilise une abréviation pour faire cool, mais ça donne surtout l’impression que c’est des gens qui n’assume pas le fait que le film parle de Géant et il essaye de le dépoussiérer sauf l’utilisation de cet artifice produit tout l’inverse. Erreur donc.
Les carcasses de voiture
A un moment BGG se fait martyriser par ses collègues Géants et ces derniers s’amusent avec des carcasses de voitures. Qu’est ce que ces voitures font là ? Comme dit plus haut pour le titre, pour dépoussiérer un mythe il faut le talent d’Anne Rice, ici, il n’y en a pas, ou pas suffisamment. Prendre une créature mythologique comme des Géants, c’est ce coltiner immédiatement tout un champ lexical, et ce champ lexical est moyenâgeux, on y parle de cannibalisme, de gigantisme, de barbare, de violence, de montagne, etc… mais pas de voiture ! Il faut l’amener par palier et pas brutalement mettre une décharge à ciel ouvert dans le pays des Géants parce que ça fait tâche. Et ici c’est le cas pour deux raisons : la faute de gout nous venons de le dire et la seconde raison c’est que ce n’est pas crédible. Les Géants vivent depuis des siècles sur cette île, alors le fait qu’il y ait des voitures implique qu’il y a eu des humains sur cette île. Or de deux choses l’une :
- Soit il y a eu des humains qui sont venus en bateau pour amener un véhicule (alors qu’il n’y a pas de route…) et auquel cas, les Géants les auraient chopé et tué mais personne n’est jamais parti à leur recherche et personne ne connaîtrait donc l’existence de ces Géants ?
- Soit il n’y a jamais eu d’humain sur cette île parce que c’est le pays des Géants. Dans ce cas, comment a atterri les voitures ici ? C’est les autres Géants qui les ont ramenés ? Ils ont peur de l’eau, il n’aurait pas traversé la mer pour juste s’amuser à ramener un véhicule. Alors c’est BGG ? Sauf que BGG à l’air d’être plutôt éco-friendly, il fait pousser ses légumes en mode bio, il est pas du genre à venir pollué sa terre pour le plaisir.
C’est donc juste une incohérence de l’univers.
Le palais royal
Pour la même raison que le reste, le mixe personnage mythologique avec personnage réel est toujours casse gueule, ici c’est la reine d’Angleterre. La pilule en plus d’être difficile à avaler fait fausse note aussi. Il y a deux univers qui sont incompatibles qui ne s’entrechoque pas (alors que ça aurait dû, et que ça aurait été intéressant) ici ils s’épousent, comme si côtoyer des Géants et la reine d’Angleterre coulait de source. C’est une erreur. Une faute de gout. Placer un personnage mythologique dans un contexte historique pourquoi pas, mais tout n’est pas possible. C’est pas parce qu’on est en Angleterre qu’il faut présenter la reine au personnage principal. C’est comme si Harry Potter rencontrait les Spice Girl. C’est pas parce qu’elles sont anglaises que ce serait plaisant qu’il y ait cette rencontre. Il faut y aller avec doigté sinon tout parait artificiel.
Artificialité des lieux
Plus qu’on parle de l’artificialité des lieux, attardons nous y un instant. Le décor du départ fait très studio. On le tolère parce que l’image est très esthétique et la mise en scène accrocheuse, mais il flirte un parfum de studio qui distille un sentiment d’artificialité qui est amplifié par des personnages en synthèse que sont les Géants et le syndrome planète des singes.
Syndrome Planète des singes
J’en avais déjà parlé lors d’une précédente critique. C’est un effet que j’ai ressenti sur la planète des singes mais qui se retrouve dans plein d’autre film Pole express, Beewolf, les Maîtres de l’Univers ou plus récemment Warcraft. C’est un univers qu’on veut nous faire croire vaste et peuplé, mais ou à juste l’impression qu’il est vide. Ici on commence le film dans un dortoir où le seul personnage réel que l’on voit est Sophie, les rues extérieurs sont très vides (il est tard c’est normal, mais le ressenti est là) dans le « pays de Géant » on se rend compte qu’ils sont 10 et que l’étendu du pays se résume à une maison, un jardin et une colline. Et enfin lorsque l’auteur essaye d’élargir son univers vers le palais anglais, c’est encore pire. Certes on voit d’autre personnage mais comme c’est un contexte qu’on connait plus que le pays de Géants (qui à le droit d’être sous peuplé) dans le palais anglais ils sont quinze pas plus, avec une reine (crédule) qui semble ne diriger pas grand chose. La vie ne rentre pas dans ce film, l’artifice y a élu domicile.
Un énorme travail dans le détail qui le propulse vers des sommets mais de grosses fautes de goût le leste vers le bas.
Effets Spéciaux
17 / 20
C’est ce pourquoi la plupart des gens vont se déplacer : les effets spéciaux.
Il faut bien reconnaître qu’ils sont superbement utilisés.
Le Géant est parfaitement exécuté, ses mouvements mais surtout son expressivité sont les grandes réussites de ce film.
Les décors sont superbement fait, les méchants Géants sont également très impressionnants et la caméra lors des plans séquences très certainement truqués sont très bien réalisés.
Après je ne suis pas convaincu que le film vieillira bien tant il y a d’effets numériques et tant l’on sent qu’ils sont intégrés, magistralement mais on sent l’intégration notamment les Géants transportés par les hélicoptères à la fin, ou quand Sophie est transporté dans la main de BGG mais pour le coup, ce n’est pas le propos, et ce n’est surtout pas le seul film dans ce cas là. Pour le moment, les effets fonctionnent parfaitement bien.
Effets spéciaux de haute volée.
EN RESUME
BGG est :
– un titre naze
– un film écrit pour les enfants
– avec un final décevant
– une direction artistique qui est globalement très bonne
– accompagné à la musique par John Williams
– serti de très beaux effets spéciaux
– une lumière envoutante de Janusz Kaminski
– magnifié par la mise en scène ensorcelante de Steven Spielberg
un film à voir
Note Finale
14,5 / 20
Bilan
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