Jurassic Park Scène T-Rex – Plan par Plan 1/4

Jurassic Park est un film de Steven Spielberg sorti en 1993.

Pour ceux qui ne connaissent pas Steven Spielberg (je ne sais pas si c’est possible ?) leur suggère vivement de voir au plus vite sa filmo, ne serait ce parce c’est un des plus grands réalisateurs de tous les temps ! (cf les 4 plus grands réalisateurs de tous les temps)

Steven Spielberg est un des maîtres du découpage, il est l’héritier du cinéma d’Hitchock et d’Orson Welles (cf les Grands Styles de Réalisations au Cinéma) et c’est un de ceux qui maîtrise le mieux son art. Jurassic en plus de ramener pendant longtemps les dinosaures sur le devant de la scène pour bon nombre de film, va cartonner au box office et la même année, il réalisera également « La liste de Schindler » qui lui permettra d’obtenir l’oscar du meilleur réalisateur.

Je vous propose ici d’étudier plan par plan la séquence de l’attaque du T-Rex de « Jurassic Park« . Cette scène est, pour moi, de loin la meilleure scène du film, rythmée, inventive, puissante, elle distille à elle seule tout ce qui fait de Spielberg un maître de la réalisation.

L'étude Plan par Plan

Pour savoir ce qu’est une étude plan par plan, et la méthodologie que je vais employer, je vous invite à aller voir la première étude que j’ai faite qui s’intitule « Perfect Blue – Plan par Plan »

Comme la séquence est assez longue, je ferai cette étude en 4 articles. Voici donc le premier, vos retours sont les bienvenus.

D’autre part, autre précision la vidéo de la scène d’intro que j’ai trouvée sur internet ne débute pas exactement au début de la séquence.

C’est parti pour l’étude !

La Scène d'attaque du T-Rex

Plan 1

Plan Matriciel 1

Plan exposition.

Voici le premier plan de la séquence, c’est un plan d’exposition.

On débute sur une chèvre (ce qui est une annonce) et on panote sur un des véhicules à l’arrêt, Alan Grant quitte une voiture pour un autre, ce qui permet de faire un justificatif de mouvement pour amener naturellement l’autre voiture. On notera également que l’utilisation du plan unique permet d’associer des éléments entre eux. Ici la chèvre est associée au personnage, afin d’induire qu’ils sont du gibier pour le prédateur à venir.

Grant s’approche de la voiture des adultes. Cut.

Cut Axe

Plan 2

Plan Matriciel 2

Grant s’approche de la voiture des adultes. C’est un plan d’exposition dans un plan d’exposition. J’ai beau chercher, je ne comprends pas pourquoi Spielberg n’a pas supprimé ce plan, d’autant qu’il fait très « studio », il n’y a pas de travail d’amorce ou de premier plan, il est très frontal. Pour moi, il aurait pu raccorder directement avec le plan qui suit.  Grant rentre dans la voiture. Cut.

Cut Mouvement

Plan 3

Plan Matriciel 3

De nouveau ce plan permet de faire de la mise en place. Grant rentre dans la voiture des adultes ce qui permet de situer le professeur Malcom. Il rentre dans la voiture et regarde vers la voiture des enfants. Cut.

Raccord Parallèle

Plan 4

Plan Matriciel 4

Plan assez élaboré dans la voiture des enfants. Il a un double but : le premier c’est d’exposer la situation dans la voiture des enfants. Je dis « enfants », parce que c’est eux qui font la loi, et que le comptable n’est utilisé ici qu’en contre point par rapport à eux, pour les mettre en valeur et les rendre plus sympathiques.

Le garçon saisit les lunettes et s’amuse avec, une fois de plus c’est une annonce.

Le second intérêt est de faire ce que j’appelle un plan motif, il sera utilisé à plusieurs reprises comme un refrain dans une chanson pour créer une sorte d’harmonie et pouvoir créer une rupture sur la troisième reprise (le fameux A A A’ ) C’est donc ici le premier mouvement qui est un passage d’un côté à l’autre de la voiture tout en se rapprochant du visage du gamin pour mettre en valeur ce qu’il voit (en se rapprochant de ses yeux (qui ici sont valorisés par les lunettes)).

On notera l’amplificateur inconscient qui est l’utilisation de la gamine qui regarde son frère (focalisation) qui lui regarde ailleurs, avec ses lunettes qui mettent en valeur ses yeux, et avec des lumières pour amplifier l’attention sur les yeux.

Cut.

Cut Axe

Plan 5

Plan Matriciel 5

De nouveau, il y a un cut dans l’axe qui n’est là que pour nous extraire de la voiture, on peut imaginer que si Spielberg avait pu le faire à l’époque, il nous aurait fait passer en un seul plan à travers la vitre. On remarquera la faute de raccord avec le positionnement de la gamine qui regardait nettement son frère sur le plan précédent et qui, sur ce plan, ce retrouve de dos.

J’ai un soucis également avec ce plan, même s’il me gêne moins que le plan numéro 2, je me dis que Spielberg aurait pu raccorder du plan 4 au plan 6 mais je trouve plus facilement de raison par le fait qu’on sent une volonté de plus d’amplitude dans le recul qui peut justifier un raccord dans un second temps.

La caméra recule de la voiture sous la pluie. Cut.

Cut Point de vue

Plan 6

Plan Matriciel 6

Vision nocture que procure les lunettes du gamin qui permet de confirmer la spatialisation de la voiture des adultes en fonction de celle des enfants. Ce plan est également une annonce du mode de vision qui sera réutilsée plus tard. Ce passage permet de placer le contexte de la scène. Spielberg place pièce par pièce les éléments à mettre en valeur pour le contexte. Le premier c’est la nuit. On y voit mal, de part la pluie, mais également par le fait qu’il fait nuit, d’où l’utilisation de la vision nocture. En plus du contexte, il y a l’aspect inconscient. Ici le fait que ce type de vision est utilisé par les chasseurs, les tueurs, et qu’ici ça induit qu’ils sont des proies. Cut.

Cut axe

Plan 7

Plan Matriciel 7

Raccord dans l’axe sur une gourde qui s’avère être celle de Grant. Ce passage participe à décrire l’univers et le contexte de la scène. Nous avons vu la nuit, voici maintenant la pluie, couplée avec la chaleur. Grant profite de la pluie pour remplir sa gourde pour se désaltérer. Cette scène permet de meubler avant la scène d’action. C’est la préparation avant la bataille, elle fait coup double, elle permet de rendre plus crédible l’univers et de faire passer des sensations comme la chaleur qu’il est impossible de faire passer autrement que par la suggestion au cinéma. Et elle permet de générer du suspense du simple fait que les personnages attendent. On sait que l’électricité est désactivée et que les dinosaures peuvent s’échapper. Il y a donc une tension qui monte progressivement. Grant boit et propose au professeur de boire également. Il accepte. Cut.

Cut Retour Point de Vue

Plan 8

Plan Matriciel 8

Nouveau plan qui contribue à donner un contexte fort à la scène. La chaleur maintenant. Le comptable étouffe et tire sur le col de sa chemise, et la gamine utilise sa casquette comme d’un éventail. Autre chose dans ce plan, c’est le deuxième mouvement du plan motif. Le gamin traverse la voiture de part en part jusqu’à ce qu’on soit sur son visage. Le kid se focalise sur quelque chose. Cut.

Cut Point de vue

Plan 9

Plan Matriciel 9

Le point de vue porte sur un des plans iconiques de Jurassic Park, les vibrations de l’eau qui sont provoquées par les pas du dinosaure. Idée brillante qui vient directement des Dents de la mer, où le requin était annoncé avant qu’il apparaisse (par quelques notes de musique). Ici on sent qu’il approche sans pour autant le voir, ce qui attise le suspense. D’autre part, Spielberg permet de renforcer encore l’idée de chaleur avec ces gobelets qui rappellent qu’il fait chaud. Cut.

Cut Retour Point de Vue

Plan 10

Plan Matriciel 8

La caméra continue de s’avancer sur le kid. Afin de renforcer l’attente. On notera que pour accentuer l’attention que prodigue le gamin au verre il y a un léger éclairage sur son oeil droit qui n’est pas raccord avec le plan précédent et qui n’a pour raison d’être que la focalisation de l’attention. Cut.

Cut Point de vue

Plan 11

Plan Matriciel 9

Changement de valeur sur le gobelet. La tension augmente. Ce qui n’était qu’un soupçon se confirme en certitude. Cut.

Cut Reaction

Plan 12

Plan Matriciel 10

Spielberg continue dans la dramatisation et ne fait pas de retour point de vue sur le gamin mais sur le comptable, ce qui induit que la crainte du gamin se propage. D’autre part, ce qui n’était que vibration se trouve être muet en son lourd. Le comptable redresse son visage. Cut.

Cut Point de vue

Plan 13

Plan Matriciel 11

L’eau sur le pare brise vibre en rythme avec le son qui se rapproche. On est encore dans la dramatisation. On notera qu’avec ce plan Spielberg fait de nouveau coup double, il a la raison de l’inquiétude : les vibrations mais également le regard du comptable qui fait la réaction dans le rétroviseur. Ce qui lui évite de faire un retour point de vue. Cut.

Cut Reaction

Plan 14

Plan Matriciel 10

La réaction du comptable est bien sûr dérisoire et permet à la fois de le rendre pleutre, mais aussi de nous renforcer dans notre idée qu’il se passe quelque chose, c’est l’effet d’apaisement utilisé déjà dans les Dents de la mer avant la séquence de l’attaque du gamin sur sa planche. Le principe consiste à artificiellement essayer de nous apaiser, ce qui, par effet de contradiction va nous renforcer dans notre idée. Le comptable pense que c’est peut être l’électricité qui revient. Cut.

Cut Parallèle

Plan 15

Plan Matriciel 12

Nous arrivons au troisième mouvement du plan motif qui a une légère variation, au lieu d’être linéaire, il bifurque sur la fin, mais sur le principe c’est le même. Cette modification induit qu’il y a un problème dans la routine de manière inconsciente. Le gamin regarde à travers la fenêtre. Cut.

Cut Point de vue

Plan 16

Plan Matriciel 13

Le point de vue (du chasseur) vers l’emplacement où devait se situé la chèvre. C’est l’annonce qui paye sur la chèvre et la vision nocture. On a bien l’association proie + vision du chasseur. On note d’ailleurs que les lunettes ne servent à rien d’autre que donner cette sensation vue que sur le plan suivant la gamine se rend compte sans lunette que la chèvre a disparu. On remarque enfin l’utilisation du piquet et surtout de la cordelette qui oscille. Elle lance sous entendre qu’il y a eu de la vie, et surtout que l’action est toute récente car elle bouge encore. Ce qui renforce la sensation de la présence de la créature que l’on sait maintenant qu’elle est hostile. Je terminerai en faisant une remarque sur le peu de vraisemblance que ce piquet est pu rester d »aplomb après le fait qu’un T-Rex est saisit la chèvre, cependant dans le fil de l’action on ne s’en préoccupe pas. On est sur du ressenti ici pas sur du crédible, c’est une des forces de la mise en scène de Spielberg. La chèvre a disparu. Cut.

Cut Reaction tronquée

Plan 17

Plan Matriciel 14

Chose étonnante, c’est la gamine qui réagit et non pas le kid qui pourtant a les lunettes. Sans doute parce qu’elle joue mieux et qu’elle est plus lisible dans l’émotion que le kid. Dans le cadrage on remarquera le fait qu’il y ait également le comptable en retrait qui continue à lui attribuer la sensation qu’il est dépasser par les événements. La jeune fille se demande où est la chèvre. Cut.

Vous remarquerez que sur le bord cadre droit on peut voir des gouttes d’eau du fait qu’ils ont dû filmer la porte ouverte et qu’il y a dû en avoir qui s’est infiltrer pendant le tournage de cette scène.

Cut Réaction

Plan 18

Plan Matriciel 15

Elle vient de poser une question et les événements suivants lui donnent la réponse. C’est un procédé qu’utilisera beaucoup Besson dans le 5ème élément notamment. On commence par un plan qui est parallèle au niveau du sol et qui s’incline de façon en apparence à saisir la réaction du visage de la gamine, en réalité, c’est de nouveau un plan motif, ce mouvement d’élévation, de plus ce mouvement est purement une audience cam. On notera également le synchronisme avec l’orage. Un morceau de la chèvre atterri sur la vitre. Cut.

Cut Reaction

Plan 19

Plan Matriciel 14

La jeune fille recule au fond du véhicule pour amplifier sa réaction de répulsion. Cut.

Cut Reaction dramatisation

Plan 20

Plan Matriciel 16

Avancée sur le kid pour amplifier sa réaction (plus contrôlé que celle de sa soeur) et la levée des lunettes est un autre amplificateur. Cut.

Cut Point de vue

Plan 21

Plan Matriciel 17

La patte du T-Rex apparaît, on appréciera aussi le soin que met Spielberg de ne pas faire apparaître brutalement la créature, il prend bien soin de tout dramatiser. Ici uniquement la patte qui ironie (humour typique de Spielberg) touche une plaque marquée « danger » et ce qui résous aussi éventuellement l’hypothèse douteuse du comptable de l’électricité qui serait revenue, on voit clairement la patte sur le cable 10000 volt. Il lâche le câble. Cut.

Cut Axe

Plan 22

Plan Matriciel 18

Ici Spielberg utilise également le décor de la voiture pour masquer la créature, couplé à la pluie, la vitre ensanglantée, les feuillages et la pluie pour faire un intensificateur sur l’apparition du T-Rex. La créature dévore la chèvre répondant également à la question qu’est il advenu de la chèvre. Même réflexion que le coup de la cordelette de la chèvre, il semble peut probable au vue de comment le T-Rex dévore la chèvre qu’il y ait pu y avoir un bout de patte de chèvre qui vole au préalable sur la voiture, mais une fois de plus, on est pris dans l’action est Spielberg masque suffisamment bien ses traces pour qu’on accepte tout sans broncher. Cut.

Cut Point de Vue

Plan 23

Plan Matriciel 19

Ce qui se veut être un cut réaction est filmé comme un point de vue du T-Rex, et comme une vision prémonitoire, il y a déjà du sang sur le front comme s’il allait se prendre une balle dans la tête. Le comptable pris de peur décide de fuir. Cut.

Cut Mouvement

Plan 24

Plan Matriciel 1

Spielberg réutilise le plan du départ de la séquence pour faire fuir le comptable, faisant implicitement un parallèle entre les deux figures paternelles qui abandonnent les gamins. Spielberg prend soin de terminer son plan sur la vitre de la portière (et de quitter à l’image les enfants) afin de pouvoir plus facilement faire le raccord sur le plan suivant où les comédiens sont dans une position bien différente. Cut.

Cut Réaction

Plan 25

Plan Matriciel 20

Plan le plus large possible au sein de la voiture afin de filmer le désaroi des enfants qui se rendent comptent qu’ils sont abandonnés par le mauvais père. (écho à leur passé) Cut.

On remarquera qu’il n’y a plus ni la patte de chèvre ni le sang qui dégouline.

Cut Parallèle

Plan 26

Plan Matriciel 21

Plan long pour spatialiser le comptable par rapport aux autres protagonistes. Le comptable va s’enfermer dans les toilettes. Cut.

Cut Réaction

Plan 27

Plan Matriciel 22

Réaction de Grant qui demande où il va, suivi d’une blague du professeur qui permet d’évacuer le stress du spectateur pour qu’il puisse plus facilement accepter le palier de stress qui suivent. Les câbles s’enlèvent un à un, une fois de plus, de la dramatisation avant la sortie du T-Rex. Cut.

Cut Parallèle

Plan 28

Plan Matriciel 23

De nouveau le plan motif de bas vers le haut, c’est le deuxième mouvement. Les poutrelles grincent. Cut.

Il n’y a plus de sang autour de la patte de chèvre, sans doute pour focaliser l’attention sur les câbles et non sur le rouge du sang qui aurait inévitablement attiré l’œil.

Cut Parallèle

Plan 29

Plan Matriciel 24

De façon à dramatiser plus le mouvement de la clôture, Spielberg rajoute ce plan supplémentaire entre le plan matriciel précédent. On note d’ailleurs que la pluie est à peine visible, que le plan n’est pas dingue en terme de composition, on peut se demander si ce plan n’a pas été rajouté après coup. La clôture bouge. Cut.

Cut Parallèle

Plan 30

Plan Matriciel 23

Troisième mouvement du plan motif effectué à contre sens pour signifié une rupture dans la routine. Les enfants se retournent. Cut.

Cut Point de vue tronqué

Plan 31

Plan Matriciel 25

Plutôt que de raccorder sur un vrai point de vue, Spielberg élargit pour saisir la créature dans son entier, il peut se le permettre tant il a fragmenter son arrivée. Ce plan qui est aussi une sorte de plan d’exposition de la scène à venir permet de spatialiser les véhicules par rapport au T-Rex tout en mettant en perspective la créature par rapport aux véhicule. Le T-Rex arrive. Cut.

Cut Réaction

Voir la seconde partie

Voilà pour cette première scène. Vous pouvez me contacter pour me poser des questions si vous en avez où si vous souhaitez que j’analyse une séquence d’un film en particulier.

Vous pourrez voir la deuxième partie en cliquant ici : Attaque du T-Rex : Plan par plan 2 / 4

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Bilan

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