Chappie

Le monde est violent et chaotique, l’ordre est maintenu par des robots policiers. Deux ingénieurs travaillent sur ces robots, l’un d’eux pense qu’un robot doit être dirigé par un homme sous peine de dérive, l’autre pense au contraire qu’il faut les doter d’une conscience pour plus d’autonomie. Chappie est le premier robot conscient. Le problème c’est qu’il se fait dérobé et ne sera pas éduqué par la justice, mais par des délinquants…

CHAPPIE est le 3ème film de Neill Blomkamp. Il sort en Mars 2015 avec un budget de 115 000 000 €.

10 Films notables sortis la même année : Mission Impossible 5, Jurassik World, Star Wars 7, Vice et Versa, Fast and Furious 7, Terminator Genesis, Mad Max Fury Road, James Bond Spectre, Petit Prince, Avengers 2

C’est parti pour le test.

Histoire

12 / 20

Prenez le pitch de base de « Short circuit » et prenez la trame de « Robocop » et vous obtenez Chappie. En détail ça donne ça : Deux ingénieurs s’affrontent au sein d’une entreprise pour imposer son robot (robocop). Un des robots est plus humain et l’autre plus dangereux (robocop) Un des robots va devenir conscient (Robocop / Short Circuit). La différence dans le récit, et elle est de taille, c’est d’ailleurs ce qui sauve ce film du plagiat est le fait que ce robot tombe entre de mauvaise main et qu’il n’est pas immédiatement adulte, il passe par une phase d’apprentissage, comme un enfant. C’est original. On pourrait résumé l’histoire par « que ce passerait il si Robocop était un enfant et qu’il tombait entre les mains de malfaiteurs ? »

Une histoire fortement inspirée de ses aînés Robocop et Short Circuit qui parvient néanmoins à s’en distinguer.

Scénario

8 / 20

Le Scénario est correct. Il n’y a pas trop de temps mort. Chaque scène s’enchaîne convenablement. Le problème majeur de Chappie n’est pas sa structure mais plutôt sa cohérence. Le scénario est bourré d’incohérence. Avant d’attaquer ce problème passons rapidement sur la structure comme dit, elle est solide, mais très linéaire, il n’y a aucun retournement de situation, tous les personnages sont transparents, tous est prévisible. Donc solide parce qu’aucune prise de risque narrative.

Maintenant les personnages, commençons par Deon, le personnage principal, enfin en pratique, il est malheureusement pas assez lié au vrai héros qu’est Chappie qui fait qu’on ne s’attache pas assez au personnage du créateur qu’est Deon. C’est dommage parce que c’est l’un un personnage qui aurait eu du potentiel. La relation entre le créateur et sa création est toujours intéressante, malheureusement les scénaristes on jugé plus opportun de le tenir éloigné de Chappie, ce qui fait qu’il est assez rarement en contacte avec lui. C’est à n’en pas douter une volonté qui est dommageable mais compréhensible. Les scénaristes ont voulu nous mettre dans la situtation d’une famille recomposée avec à la place de l’enfant, un robot. C’était nous l’avons dit l’originalité du projet et il est normal qu’il l’est traité comme ça. Le créateur s’en trouve donc être transformé en père biologique (en géniteur) et le gangster Ninja (c’est son nom) son père, son tuteur. Soit. Ce choix amoindri l’importance de Deon.

Passons à Chappie maintenant, c’est donc lui le héros et c’est le personnage qui évolue le plus.  Il passe de l’enfance à l’adolescence et d’une naïveté enfantine à une rage adolescente. C’est le point fort du film, c’est ce qui fait tenir durant le film. Clairement les querelles d’ingénieurs est cousues de fil blanc et la pseudo menace lié aux tuteurs gangster de Chappie n’est pas assez présente pour nous tenir en haleine. La vraie question du film est : que va-t-il arriver à Chappie, comment va-t-il survivre ? (il n’a que 5 jours d’autonomie) Et qui va-t-il devenir ? Et j’insiste sur le « qui » et pas le « que ». Car c’est le thème fondamental de ce film » on est fait de l’environnement dans lequel nous vivons. Ce qui renvoit à une conception de Jean Jacques Rousseau, c’est la société qui rend mauvais l’homme, ce n’est pas l’homme qui l’est à la naissance. Il le devient. Ok. Maintenant est ce que Chappie est bien écrit ? Il a une ligne directrice : ne pas tuer (comme dans Terminator 2) et il s’en tiendra là jusqu’à la fin. Le personnage est assez attachant pour ne pas décrocher du film et il incarne bien l’enfant livré à lui même dans un environnement défavorisé. SPOIL : Il y a d’ailleurs cette scène pathétique où Chappie se fait envoyé par Ninja vers d’autre délinquant et qu’il se fait passer à tabac, il se fait ensuite défoncer par Vincent (l’autre ingénieur) il y perd un bras (la mutilation est d’ailleurs un thème récurent chez Blomkamp). Il parvient à s’enfuir et alors qu’il erre dans la rue il ne trouve pas mieux que de retourner chez ce père qui le martyrise. Belle scène. Il y en a une autre qui m’a plu, c’est la discution entre Deon et Chappie sur sa durée de vie, la parabole marche bien et nous renvoie à notre condition humaine. Mais ce sera les deux seuls moments où le débat s’élèvera parce que le reste, j’y reviendrai est plombé d’incohérence et tire le projet vers le bas. FIN SPOIL

Vincent, l’ingénieur ennemi est le vrai bad guy du film. Il est fourbe et à un vrai plan pour nuire à son concurant et par conséquant à Chappie. On pourra regretter qu’il ne soit pas plus présent. Ce personnage n’évolue pas.

Ninja et Yo Landi maintenant. Ce sont les tuteurs de Chappie. Le choix est pas heureux, le casting tout d’abord, mais nous l’aborderons et ensuite les personnages. Ils sont unilatérales. Ninja est con et violent et Yo Landi est naïve et gentille. On peut comprendre qu’il faut montrer que Chappie est tombé dans une famille d’adoption pas facile, mais là, ils sont tellement creux que l’alchimie ne prend pas. Ninja est détestable mais surtout ridicule, pas crédible dans le rôle du bad guy et Yo Landi est tellement bisounours qu’elle nous stresse à chaque fois qu’elle parle. Je veux bien qu’elle soit attendri par Chappie mais quand même pas au point d’oublier qu’ils ont un contrat sur la tête et qu’ils peuvent mourir à la fin de la semaine ? Il y avait la possibilité de faire de ces tuteurs des gens de peu, mais des gens pris dans un engrenage de violence sans pouvoir en sortir. Ils ont négligé ce qui était le plus important, les personnages des parents étaient la clef du coeur de ce film. Si on aimait les parents, on aurait pas pu résister à l’émotion de Chappie. Ici on a une émotion de surface que l’on comprend sans pour autant le ressentir. Les scénaristes avaient de l’or dans les mains, il en ont fait du plomb.

Abordons maintenant les incohérences. Et là il y a de quoi faire ! SPOIL Allons y chronologiquement : Deon est l’ingénieur phare de la sécurité du pays, c’est le créateur des robots qui font la gloire de l’agence, et il vit dans un petit appart qui tient presque en une petite pièce. Avec ce qu’il est payé il est pas capable de se payer mieux ? Admettons que nous, ok, mais alors pourquoi travaille t il sur un ordi portable de merde. Le type est en train de synthétiser la conscience humaine, il le fait sur un petit ordi portable ! Que ça puisse tenir dessus c’est déjà improbable mais qu’il n’y est aucune sécurité devant chez lui ou que la pièce dans laquelle il travaille soit sécurisé un minimum. Là rien. C’est d’ailleurs un problème global sur l’ensemble du film. Deon ne sera jamais escorté et l’on rentre comme dans un moulin dans le labortoire qui crée les robots. C’est pas comme si le monde était paisible ! Il y a des délinquants de partout ! C’est bien simple dans ce film le monde se résume à être un ingénieur, un délinquant  ou un robot. Il n’y a rien d’autre.

Continuons, il synthétise la conscience humaine (sur son ordi portable donc) déjà que c’est difficile à croire, Deon en rajoute une couche plus tard en disant à Chappie : « tu sais la conscience on ne sait pas ce que c’est. » Le mec vient de trouver et de copier une chose dont il ignore ce que c’est… Comment peut on trouver ce qu’on ne peut chercher ? De plus il la copier sur son ordi pour la mettre sur une puce, ok, mais alors pourquoi dire par la suite qu’il n’est pas possible de faire une sauvegarde de la conscience ? L’incohérence ne s’arrête pas là, Chappie (2 jours d’existence, je le rappelle…) trouve la solution de la copie de la conscience humaine en quelque heure de réflexion ! Facile il faut dire, un casque qui choppe les impulsions du cerveau était dans le labo. C’est clair que notre grand génie Deon aurait pu y penser…

Puisque nous avons parlé des jours de Chappie, c’est un des gros problème du film. Il a 5 jours de vie, et se comporte comme un enfant au premier jour. Il y a tout à lui apprendre. Soit. Il apprend vite. Soit. Mais il est avec les pires loosers de la planète et il est très improbable qu’en deux jours il sache parler aussi bien qu’il le fait et encore moins synthétiser la conscience humaine ! Et quand on voit la méthode d’apprentissage de Deon, elle est pas meilleure : il prend Chappie (1jour) entre quatre yeux et lui dit : « promet moi que tu ne tuera personnes. » Chappie lui répond : « C’est quoi une promesse ? » Réponse : « c’est une promesse qui ne peut être rompue »…. Ouais…. Avec des explications comme ça, je me demande comment il a pu apprendre et comment il a pu respecter sa parole. Et malheureusement les scénaristes se sont tirés une balle dans le pied avec ces 5 jours. Toutes ellipses qui auraient été bien venu pour l’apprentissage de Chappie est systématiquement mis à l’étude et nous sort du film : « attends le type il est capable de faire ça après deux jours ? » est un phrase qui sera souvent prononcée…

Pour rester sur les jours, il a une autonomie de 5 jours, mais au bout de trois jours, il est en low battery… Bizarre comme conception. En parlans de conception, Chappie, nous l’avons dire va perdre son bras et son bras va être réparé non pas par Deon mais par un des délinquants. Et pas dans un atelier, non, assis par terre en deux minutes ! Finalement un robot c’est comme un légo, il suffit de clipser les éléments et les connections se font tout seul… Simple non ? C’est à ce demander pourquoi ils n’en ont pas fait un eux même…

Revenons à la scène où Chappie va se faire passer à tabac. Ninja est vraiment le roi des débiles, qu’il veuille faire un passage initiatique à son « fils adoptif » pourquoi pas, mais qu’il reste à proximité. Le type rentre chez lui, Chappie je le rappelle à deux jours (oui la deuxième journée est très longue dans ce film….) comment peut il rentrer chez lui ? Et ça ne rate pas après s’être fait battre, il erre perdu dans la ville. Il se fait chopper par le Bad Guy et manque de peu de mourir. C’est en fait un miracle qu’il parvienne à s’échapper et à revenir chez Ninja. Ninja a donc failli perdre la seule chance qu’il avait de pouvoir s’en sortir face au méchant  qui a promis de les tuer à la fin de la semaine. Il pouvait bien se permettre de perdre plusieurs jours à le retrouver dans la ville ou de s’en voir privé. D’autant que je le rappelle, il n’y a que des délinquants qui détestent les robots…

Le laboratoire maintenant. Il est vide ! C’est le plus gros labo du pays, et il est vide ! Il y a bien l’administration à l’étage, mais en bas c’est vide. On croise aux débuts un mécano, mais le reste du temps il n’y a que nos deux ingénieurs. Alors justement parlons en de nos deux ingénieurs ! Deon est dans la société c’est normal, c’est lui le petit génie des robots policiers qui agissent dans la ville. Ok. Mais Vincent ? L’autre ingénieur. Il a un projet nommé « La Bête » (sik) que personne ne veut. C’est à dire que la société a entièrement financé le projet (ça doit pas être donné) mais ne veut pas l’utiliser. Pourquoi pas, c’est leur choix, mais alors pourquoi garder Vincent dans la société ? Il ne sert à rien. Il n’a de cesse que de vouloir (et c’est légitime) utiliser son robot. S’ils ne veulent pas de ce projet et qu’ils ne veulent pas le bouger, qu’il le fasse travailler sur un autre projet. Là non, et en plus on apprend par la suite que leur entreprise a des problèmes de financement… Tu m’étonnes !

Il y a trop d’invraisemblance pour pouvoir toutes les énumérés.

Je terminerai par un gimmick de Blomkamp, qui à la longue devient très redondant. Dans tous ses films il y a une espèce en marge (les extraterrestres dans « District 9 », les hommes 2.0 dans « Elyseum » et ici les robots) et dans tous ses films, le héros finit par muter dans l’espèce qui lui est opposée. C’est sympa dans district 9, c’est un peu lourd dans Elyseum, et clairement prévisible dans Chappie. Je veux bien que les réalisateurs font toujours le même film, mais là le ressort dramatique est trop restreint pour se renouveler d’un film à l’autre.

Un scénario plombé d’incohérence.

Lumière

10 / 20

La lumière est plate. C’est le style documentaire qu’affectionne particulièrement Blomkamp. On aime ou on aime pas. Alors c’est moche bien sûr mais c’est voulu. C’est clairement pas pour la lumière que vous irez voir Chappie. Cependant elle a au moins le mérite d’être en phase avec la mise en scène et de mettre en valeur les effets spéciaux qui semblent encore plus incroyables du fait qu’on est proche du réel.

Une lumière attendue par le style inhérent de Blomkamp : Réaliste et plate.

Direction comédien

12 / 20

C’est pas le point fort du film. Commençons par les moins bons. Watkin Tudo Jones Jr interprétant Ninja et Yo Landi Visser jouant le rôle de Yo Landi. Ils sont tous les deux issus d’un groupe de Rap-Rave « Die Antwoord » et autant leur musique sonne bien autant leur jeu de comédien sonne faux. Ils sont dans la caricature. C’est douloureux parce qu’on aimerait les aimer. Mais c’est pas impossible, surtout pour Jones Jr qui en plus bénéficie d’un mauvais casting. Il est tout fin, peu musclé et on a du mal à le croire dangereux. A leur décharge ils ne sont pas aidés par le scénario.

Dev Patel, connu pour avoir joué dans Slum Dog Millionnaire, il est ici crédible. Ce qui est déjà pas mal tellement ça part de loin au vu du scénario. Je le trouve un peu jeune pour être à la tête de la conception de ces robots, mais étant un génie, on lui pardonne tout. Il s’en sort bien, il parvient à donner un peu de chair à cet ingénieur géniteur de robot.

Mais celui qui est s’en tire le mieux c’est Hugh Jackman. C’est la première fois que je le vois dans un rôle de Bad Guy, et ça lui va drôlement bien ! Il est vile à souhait, faux cul comme pas possible et parvient avec sa jubilation faire de l’affrontement entre les deux robots un moment sympathique.

Les seconds rôles, Sigourney Weaver en tête, cachetonnent.

Casting et jeu globalement faible, Hugh Jackman tire son épingle du jeu.

Mise en Scène

12 / 20

Du Blomkamp ! Difficile de dire autre chose. Il se parodie lui même. L’utilisation de plan type shot footage, l’image réaliste et l’ambiance post apocalyptique sont sa signature.

Pas de nouveauté, pas d’audace particulière, on est dans l’attendu. Le film reste lisible et on est jamais parasité par sa réalisation. A l’exception du ralenti utilisé à la fin, lors de l’affrontement, c’est un ralenti de convention mais souligné avec la musique on ne peut s’empêcher de rire là où on aurait pu pleurer. Une fausse note pas dérangeante au vue de la l’ensemble.

On a un peu le sentiment que Blomkamp n’a plus rien à dire ce qui est un peu préoccupant après trois  films…

Standard pour du Blomkamp.

Son

14 / 20

Le sound design est soigné, la bande son elle est dans le ton. Sans plus.

La composition originale est elle plus inspirante, tantôt nerveuse tantôt dans l’émotion. C’est une bonne bande originale.

En phase avec le film, bon travail.

Direction artistique

15 / 20

On est dans le post apocalyptique, c’est la période qu’affectionne Blomkamp, mais voilà, il y a des éléments qui piquent les yeux. Les costumes sont parfois bien kitch, le T shirt dauphin de Ninja, l’armure rose de Yo Landi. Et que dire de leur repère. C’est des gangsters dealeur de drogue, et ils ont peint des nounours et des lutins de toutes les couleurs sur leur mur. La crédibilité des malfaiteurs en prend un coup. Et c’est moche en plus ! Alors on voit l’idée de créer un monde d’enfance pour Chappie dans l’inconscient du spectateur. Mais là c’est trop visible et c’est ridicule. Les ordinateurs ont l’air de sortir des années 80 mais ils arrivent avec à enregistrer l’âme humaine… Je veux bien le style steam punk mais là où le stylisme devrait nous faire rentrer dans le film, ici il nous en fait sortir.

En revanche, il y a un vrai travail sur le design des robots. Chappie qui est de plus en plus tunné est charismatique et contribue au plaisir du film.

Même si quelque choix sont douteux, la direction artistique est souvent correcte, le design des robots est particulièrement soigné. 

Effets Spéciaux

17 / 20

Gros point fort du film ! Les effets spéciaux sont bluffants. A aucun moment on se dit que Chappie n’existe pas. On pourrait avoir des petites remarques sur les contours des passages avec « la Bête », le robot de la fin où l’on sent l’incruste, particulièrement dans les moments où il vole. Les explosions et autre cascades marchent à merveille. Mais la plus grande réussite reste l’expressivité de Chappie, on comprend tout ce qu’il ressent, et la motion capture a bien su retranscrire les mouvements du comédien Sharlto Copley. Il est incroyable de voir tout ce qui passe avec juste l’attitude corporelle. C’est du super travail.

Des effets spéciaux superbes. 

EN RESUME

Chappie est  :

– un film d’action efficace

– un film de Blomkamp avec tout ce que ça implique

– une variation sur Robocop et Short Circuit

– avec un Hugh Jackman en forme

– plein d’incohérence

– basé sur une idée qui aurait pu être brillante

– doté d’effets spéciaux superbes

un film à voir une fois

Note Finale

12.5 / 20

Allez Plus Loin

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